S'il est une exposition à ne pas manquer sur la scène parisienne ces temps-ci, c'est bien celle qu'abrite actuellement la galerie nationale du Jeu de Paume (jusqu'au 21 septembre). Intitulée « Protographies », celle-ci présente avec sobriété une sélection pointue d'oeuvres d'Oscar Muňoz, retraçant ainsi près de quarante années d'une carrière pour le moins fertile. Aussi inclassable que fascinant, le célèbre artiste colombien a expérimenté sur des supports aussi variés que la sculpture, la vidéo, le dessin, la peinture, ou encore l'installation. L'exposition « Protographies » est donc un parcours pluriel et empreint d'une certaine nostalgie à travers le temps.
Surprenant d'inventivité, Oscar Muňoz n'est jamais à court d'idées pour mettre en scène son obsession du rapport entre image et mémoire, qui constitue le fil conducteur de son œuvre. Fasciné par l'outil photographique qui offre l'immortalité aux événements et aux personnes par nature éphémères, l'artiste interroge constamment la capacité de l'image à retenir la mémoire. Que reste-t-il de la seconde lorsque la première s'efface ?
La force d'Oscar Muňoz est d'amener le spectateur à se questionner avec lui sur le temps qui passe et le caractère effaçable des souvenirs, et avec eux, des choses qu'on se rappelle. Sans jamais sombrer dans le morbide, l'artiste fait apparaître et disparaître des bribes du présent et du passé : silhouettes depuis longtemps sorties de leur douche, dont l'empreinte persiste sur le rideau en plastique, visages piochés au hasard dans les rubriques nécrologiques apparaissant l'espace d'une seconde sous le souffle d'un inconnu sur un miroir, ou se liquéfiant et disparaissant dans un siphon, ne laissant derrière eux qu'une tâche d'encre vidée de son sens... Muňoz joue avec les éléments, et peut-être surtout avec l'eau, qui imbibe les surfaces, coule ou s'évapore en emportant avec elle le reflet de visages anonymes, qui tombent aussitôt dans l'oubli.
Le travail d'Oscar Muňoz est aussi habité par la sombre Histoire de la Colombie et de ses décennies de guerre civile. Sous sa main, les Unes de journaux s'effacent peu à peu, et avec elles le souvenir des événements passés. Abordant tous les thèmes chers à l'artiste, plus avec précision qu'avec profusion, « Protographies » est une exposition intimiste, fascinante et hautement émouvante. Le message qui se dégage de l'oeuvre d'Oscar Muňoz est comme une mélodie silencieuse et lancinante. Plutôt que de rappeler à notre mémoire les choses qui ont disparu, il parvient tout simplement à nous rappeler que l'on oublie.
Comment y aller depuis l'Hôtel du Danube ?
Profitez-en pour faire une jolie balade ! (temps de marche : environ 25mn)
Prenez à gauche en sortant de l'hôtel, puis tout de suite à gauche sur la rue des Saints Pères. Traversez la Seine en empruntant le pont du Carrousel (sur votre gauche) et marchez vers la gauche en direction de la place de la Concorde dans le somptueux jardin des Tuileries. La galerie du Jeu de Paume se trouve au bout du jardin, sur votre droite.
Horaires et tarifs :
Musée ouvert le mardi de 11h à 21h et du mercredi au dimanche de 11h à 19h
Billet : 10€ (tarif réduit : 7€50)