Mettre l'Arte Povera (« art pauvre ») à l'honneur sous les dorures, voici le pari de l'exposition événement qui se tient actuellement à la Monnaie de Paris. Importante figure de l'art contemporain, l'artiste grec Jannis Kounellis fait partie de pionniers de l'Arte Povera. Ce mouvement, né en Italie à la fin des années 1960, se forme dans une idéologie de résistance à la jet-setisation de l'industrie culturelle, et à la société de consommation en général. Utilisant des « produits pauvres » (sable, terre, goudron, toile de jutte...), les artistes de l'Arte Povera prennent le parti de favoriser le processus de création au détriment de l'objet fini. En donnant du sens à des objets a priori insignifiants, ils « appauvrissent » l'Art et surtout, le désacralisent.
L'exposition
À l'invitation faite par la Monnaie de Paris, Jannis Kounellis répond « Je viens à Paris les mains vides, comme un vieux peintre ». Le mot est lancé, l'exposition mettra à l'honneur un art pauvre, dépouillé, brut. Et dans le décor léché de la Monnaie de Paris, avec ses colones, ornements, marbres et dorures, le résultat est pour le moins étonnant. On y trouve une œuvre qui contraste tant avec son lieu d'accueil qu'elle n'en brille que cent fois plus.
Les mille mètres carrés des salons XVIIIe du Palais de la Monnaie de Paris sont habités par des œuvres qui semblent en construction, ce qui donne à l'ensemble des airs d'atelier d'artiste, où tout ce que l'art a de sacré se retrouve les mains dans le cambouis. Là où la plus ancienne entreprise du monde forgeait les pièces de monnaie, l'artiste invite ce même matériau, le métal, sous sa forme la plus brute. Chevalets en métal mettant en scène la peinture, dortoirs, impressionantes pièces qui ramènent le matériau à la brutalité de la guerre... Brut(e) est une exposition qui se prend de plein fouet.
Les matériaux pauvres investissent l'espace dans une installation froide, violente et silencieuse. Au cœur de la visite, une performance vient se jouer des codes feutrés et reluisants de l'art : accompagnée d'un violoniste en costume, une danseuse de ballet effectue une chorégraphie pour le moins troublante dans un décor marqué par le contraste entre l'architecture du salon XVIIe et les vêtements en toile de jute sales pendus le long d'un des murs de la pièce.
Après sa fameuse exposition « Take me (I'm yours) » où les visiteurs étaient invités à prendre des objets appartenant aux artistes, Jannis Kounellis propose donc une nouvelle fois aux visiteurs une véritable expérience, dans une exposition conçue comme une fresque résolument concrète, vivante, brute.
Informations pratiques
Du 11 mars au 30 avril 2016 à la Monnaie de Paris, 11 quai de Conti, 75006 Paris
Horaires : tous les jours de 11h à 19h, le jeudi jusqu'à 22h
Tarifs : 12€, 8€ tarif réduit
Photographe : Manolis Baboussis © Monnaie de Paris, 2016 Courtesy de l’artiste